La solidarité internationale à Bienne dans les années 70 et 80

Au début des années 70, les mouvements de solidarité internationale (re)naissent (voir note 1)dans toutes les grandes villes en Suisse comme partout en Europe et dans le monde, essentiellement en défense du peuple vietnamien.

La LMR et ses militant.e.s y participent activement soit comme parti soit comme animateur.trice.s de comités de solidarité. On les trouve partout.

La solidarité internationale réunit des militant.e.s italiens, espagnols, chiliens, portugais, chrétiens, socialistes, anarchistes et de divers groupes d’extrême-gauche.

La solidarité internationale est d’abord « contre-informative », par des tracts, des affiches, des meetings, des manifestations dans la rue, des stands. Il s’agit de donner une information différente de la TV, de la radio et de la presse. On affiche « son camp », celui des opprimé.e.s.

La révolution nicaraguayenne de juillet 1979 a suscité un enthousiasme et un engouement tel que dès le début des années 80, des militant.e.s ont séjourné au Nicaragua, ont récolté le café, ont travaillé durablement. Une association, « le jumelage Bienne – San Marcos », a fourni et fournit encore un soutien financier conséquent à des projets populaires d’infrastructures, culturels et écologiques.

La liste ci-dessous des activités de solidarité internationale doit sa précision au travail inlassable des policiers et de leurs indicateurs qui ont suivi, épié, écouté téléphoniquement, fouillé les poubelles des salles de réunion, photographié les gens et les plaques des voitures … Grâce à la police, on sait aussi qui recevait qui, qui dormait chez qui (A chez F le 25 mai 1977), qui se promenaient ensemble le dimanche (27 juin 1981 / André Hofer / balade d’Evilard à Derrière Pertuis), qui participait aux manifestations nationales à Berne, Zurich, Genève … Les fouineurs passaient leur temps à nous espionner.

Marie-Thérèse Sautebin a demandé en 1990 son dossier personnel des fiches policières fédérales et l’a obtenu en 1996. Celui-ci, lourd de plus de 500 pages, fournit l’essentiel de cette chronologie.

Mais avant, un rappel des grandes luttes internationales :

Indochine

Dès les années 1930, l’Indochine, soit le Vietnam, le Cambodge, le Laos, sont sous domination impérialiste française. La France coloniale est vaincue militairement en 1954. Mais les USA ne lâchent pas, dans le contexte de la guerre froide, le Vietnam du sud, le Cambodge et le Laos.

Les USA envoient des milliers de GI’s, bombardent les digues du nord-Vietnam, pulvérisent des défoliants (l’agent orange), napalmisent les populations. L’opinion mondiale est choquée par ce déchainement de violence envers la population civile. Un mouvement mondial s’élève contre la guerre d’agression impérialiste. Les accords de Paris de janvier 1973 organisent la fin du conflit. Le 30 avril 1975, le FNL prend Saigon, la guerre du Vietnam est enfin terminée.

LIP : manufacture horlogère à Besançon (quartier de Palente) : expérience d’autogestion

En 1972, LIP est racheté par EBAUCHES S.A , multinationale suisse de l’horlogerie. En juin 1973, des ouvriers de Lip apprennent l’existence d’un plan de licenciements et d’un projet de gel des salaires. L’usine de Palente devient alors le théâtre d’une grève qui va connaître une audience nationale. L’entreprise est occupée par une grande partie du personnel et des manifestations sont organisées, à Besançon mais aussi dans d’autres grandes villes en France. Le Premier ministre, Pierre Messmer, déclare que « Lip, c’est fini…. ».

Les salariés se réunissent sous le slogan « C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie ». Ils décident collectivement de s’emparer du stock de montres et de certains outils, de reprendre l’activité de fabrication et d’assemblage, de vendre leurs montres en dehors du réseau d’horlogers habituel et de se verser des salaires.

En janvier 1974, Lip est repris par Claude Neuenschwander qui, dans son plan de relance, prévoit une réintégration de l’ensemble du personnel et la création de nouvelles collections horlogères en collaboration avec des designers. Mais, en 1975, les pertes se comptent en plusieurs millions de francs. Claude Neuschwander démissionne le 8 février 1976. L’entreprise dépose son bilan en avril. L’usine est à nouveau occupée le mois suivant.

Face à l’absence de repreneurs, la société d’exploitation des montres Lip est définitivement liquidée le 12 septembre 1977.

Le 8 novembre 1977, après de longs débats, les employés de Lip, attachés viscéralement à leur entreprise, fondent six coopératives parmi lesquelles figure la société coopérative de production « Les Industries de Palente » dont les initiales sonnent toujours LIP.

Espagne

Depuis 1939, l’Espagne est une dictature faciste, Franco règne en maitre.

Son modèle de développement (tourisme et industrie lourde) rencontre des difficultés : revendications ouvrières, émancipations étudiantes. Dès le milieu des années 60, des mouvements étudiants, indépendantistes se manifestent. La répression est féroce : exil et surtout condamnations à mort. La solidarité internationale se réorganise dans les milieux immigrants. Pour la démocratie, contre le fascisme, pour la libération des indépendantistes …

Franco décède en 1975, l’Espagne redevient un royaume et entame une impossible transition vers la démocratie bourgeoise.

Chili

En 1970, Salvador Allende est élu président du Chili. Il veut construire un Chili socialiste et démocratique. Le 11 septembre 1973, le général Pinochet et l’armée, soutenus par les USA de Kissinger, renverse Allende (il se suicide durant le siège du palais présidentiel). Pinochet instaure une dictature sanglante. Les opposants sont incarcérés dans des stades de football et torturés. Le chanteur et guitariste Victor Jara se fait couper les doigts dans les gradins.

La Suisse accepte péniblement d’accueillir 300 réfugiés.e.s chiliens en décembre 1973.

Portugal

En 1970, le Portugal est un Etat économiquement en retard. C’est un Etat qui possède des colonies en Afrique : Angola, Mozambique, Guinée-Bissau. Des mouvements armés de libération nationale luttent depuis des années. Des capitaines de l’armée se révoltent et déclenchent en avril 1974 la révolution des Œillets. S’en suivent des conseils ouvriers dans les usines, des comités de quartiers, une occupation des terres / distribution des terres aux paysans pauvres …

Le Portugal est en pleine révolution sociale.

Afrique du sud

L’Afrique du sud est sous domination blanche, Pays-Bas et Royaume-Uni. Les capitalistes miniers (or, diamants) et agricoles exploitent de manière servile la main d’œuvre noire (l’apartheid).

L’ANC de Nelson Mandela mène des luttes démocratiques, syndicales et armées contre l’Etat sud-africain. Les banques suisses, les industries de l’énergie investissent et soutiennent le régime d’apartheid. La diplomatie suisse appuie aussi le régime. La société civile mondiale, de plus en plus de pays condamnent l’apartheid et appellent au boycott.

En 1994, Nelson Mandela est libéré, l’Afrique du Sud entame sa transition … vers l’économie de marché sans apartheid !

Nicaragua

Le Nicaragua est une république bananière dominée par une famille, un clan, la famille Somoza, soutenue par les entreprises US de produits coloniaux « bananes, café, chocolat et ananas ».

Le FSLN, front sandiniste de libération nationale, lutte durant 20 ans pour l’indépendance du Nicaragua. Le 19 juillet 1979, le dictateur Somoza est chassé, une junte de reconstruction nationale prend le pouvoir. Les premières mesures suscitent l’enthousiasme du peuple de gauche dans le monde : une campagne d’alphabétisation, de vaccination contre la polio, une réforme agraire, la nationalisation de la grande industrie, la suppression de la peine de mort …

Des comités de solidarités surgissent dans le monde entier.

Pologne

En aout 1980, les 17 000 ouvriers des chantiers navals de Gdansk font grève pour défendre l’un d’entre eux. Ce mouvement crée le syndicat indépendant Solidarnosc. Solidarnosc met en péril la domination politique de l’Etat polonais, de sa bureaucratie stalinienne. Finalement, l’armée reprend le pouvoir le 13 décembre 1981. C’est la fin de l’espoir de la révolution politique dans un Etat ouvrier dégénéré.

Grande-Bretagne- Solidarité avec les mineurs du NUM (GB) – grève de mars 84 à mars 85

Les grands mouvements européens de lutte ouvrière font l’objet d’une attention des révolutionnaires car s’y déroulent les enjeux anti-capitalistes. Dans le cas de la Grande-Bretagne, le rouleau compresseur de Margaret Thatcher démantèlent les acquis et les droits sociaux. La fermeture des mines est imposée et la grève se solde par une défaite terrible du NUM et de l’ensemble du mouvement syndical britannique. Mme Thatcher avait gagné dans les urnes contre le « socialisme démocratique » en 1979, elle gagnait maintenant, en 1985, contre le « socialisme combatif », le syndicalisme !

Un meeting de solidarité au restaurant La Fontaine, avec la présence d’Otto Arnold, Conseiller municipal PS.

Le soir du meeting, les 3 militant.es gallois.es du NUM sont hébergé.es à Bienne. C’est l’automne. Le lendemain, ils repartent habillé.es avec nos plus chauds habits et souliers disponibles. Ils n’avaient rien pour se protéger du froid, pas d’argent ! Quelques années plus tard, Roland en visite à Leeds : « Nous observons les dégâts du chômage, destruction de la communauté sociale des mineurs, villages désintégrés, destruction des acquis de la NUM (entre autres le service santé) ».

Liste des campagnes internationales à Bienne (répertoire établi à partir des notes de la police dans nos fiches)

La liste précise recensée par les fouineurs de l’Etat suisse s’arrête ici.

Mais pas le travail inlassable des policiers et de leurs indicateurs qui ont suivi, épié, écouté téléphoniquement, fouillé les poubelles des salles de réunion, photographié les gens et les plaques des voitures, noté qui recevait qui, qui dormait où, qui se promenait ensemble le dimanche …

Mais dès ce moment, les autorités policières et judiciaires n’ont plus voulu communiquer les fiches car elles figurent aussi dans LE FICHIER DES EXTRÉMISTES.

(note 1) Dans les années 30, des Biennois ont combattu dans les rangs des armées républicaines durant la guerre d’Espagne. Dans les années 50, début 60, des militants du FNL algériens venaient se reposer dans des familles biennoises.