Les explications historiques sont des adaptations libres d’articles du Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), Mémoire d’ici et Wikipedia (note de rédaction)
La LMR, puis le PSO, ont porté une attention essentielle à ce qui se joue sur les lieux de travail, aux rapports de force modelés jour après jour, et surtout aux moments cruciaux quand s’emballe la lutte.
Ce document relate notre participation, notre contribution aux luttes du monde ouvrier dans les usines horlogères en particulier mais aussi dans le secteur de la santé et dans l’enseignement, notre défense des droits des travailleuses et travailleurs.
Le travail conditionne toute vie. Il est choisi ou imposé ; aimé, toléré ou honni, détesté ; qualifié, créatif, répétitif ou précaire. Le travail représente la contribution sociale de chacun.e à la société, mais assure aussi sa survie quotidienne par le salaire qu’il ou elle en tire. Il est de ce fait le lieu et le moment par excellence où se vivent la lutte des classes et les conflits sociaux.
Le travail prend diverses formes : travail salarié, travail de soin, travail militant, volontaire et bénévole.
Toutes ces formes sont conditionnées par les rapports capitalistes : les salarié.es ne possédant pas les moyens de production sont obligé.es de vendre leur force de travail afin de gagner un salaire leur permettant d’acheter tout ce qui est nécessaire à la survie (= la reproduction de la force de travail). Le salarié vend sa force de travail pour recevoir un salaire qui lui permet d’acheter les marchandises nécessaires pour vivre, survivre. Dans le système capitaliste, tout est marchandise : la nourriture, l’eau, les habits, le logement, l’énergie, mais aussi l’éducation ou la santé. Même les vacances, la culture et les loisirs sont conditionnés par ce rapport marchand achat-vente.
Travail salarié ou rémunéré comme indépendant.
Les capitalistes (grosses fortunes, fonds d’investissement) possèdent les grands moyens de production, les salariés non. Par conséquent, pour acheter de quoi vivre, survivre, les salariés doivent vendre leur force de travail aux capitalistes qui en ont besoin.
Dans tous les domaines de la société, dans tous les secteurs économiques, les intérêts des salarié.es s’opposent aux intérêts des capitalistes. Le conflit entre capital et travail, entre le profit engrangé et la rémunération du travail est omniprésent. La loi du profit s’impose aux travailleuses et travailleurs. Les syndicats et organisations politiques de gauche ont prioritairement défendu les intérêts immédiats et les droits des salarié.es.
Travail de soin, dit « care »
Le travail de soin, est fourni gratuitement, très majoritairement par les femmes de tous âges. Au niveau familial, les femmes, épouses, mères et grand-mères assurent, garantissent le quotidien. Elles effectuent l’essentiel du travail domestique et par-là assurent l’entretien (= la reproduction) de la force de travail. Ce travail « gratuit » est tout bénéfice pour les capitalistes.
Dans ce travail privé et gratuit se jouent d’autres rapports de force, celui entre les sexes. En effet, la hiérarchie dominante masculine jouit de privilèges conséquents, énormes aux dépens des femmes, épouses, mères et grand-mères. Il n’est à cette époque que très peu l’objet d’évaluation et de recherche. Il le deviendra avec les mouvements féministes.
Travail militant, volontaire et bénévole
Les organisations syndicales, politiques, les associations culturelles ou sportives, ou encore les lieux créatifs vivent, existent grâce à la contribution gratuite fournie par des milliers de bénévoles. Le fonctionnement de la société, et des sociétés et associations, en dépend largement.
Ces trois composantes du travail (salarié, soin, bénévole) sont interdépendantes. La LMR s’est intéressée surtout au premier, puis un peu au second au travers du mouvement des femmes. Elle a vécu ses grandes heures grâce au troisième, sans jamais l’aborder en tant que tel.
Le syndicalisme
Les contacts de la LMR avec les salarié.es et le soutien aux luttes montrent la faiblesse de la Ligue : nos membres n’étaient que très rarement employé.es dans les usines et donc notre influence syndicale dans les grands syndicats, FTMH ou FOBB, était restreinte.
Seuls quelques camarades ouvriers qualifiés travaillaient dans les entreprises : Paul S. (horlogerie), Wildy P. (Mikron), Paul C. (Posalux), Andy W. (Hauser), Ronald S. (Boillat à Reconvilier) et Roland S., Otto K. (dans le bâtiment), ou sans qualification M-Th. S. (employée horlogerie). En général syndiqués à la FTMH ou FOBB.
La grande partie des camarades travaillaient dans le service public : dans les écoles (Sylviane Z., Christian G., Pierre L., Edith S., Nicolas S.), à l’hôpital (Antoinette D., Maurice C., Fritz F.) ou dans l’administration communale (Annemarie B., Ralph D.). Donc syndiqué.es à la VPOD/SSP.
A Bienne, la VPOD/SSP était dans les années 70-80 une section syndicale avec un plus grand nombre de membres qu’aujourd’hui (employé.es de la ville, jardiniers, employé.es de la voirie) et sa direction était très étroitement liée avec la sociale démocratie alors au gouvernement biennois.
Afin de rester raisonnablement efficace, le groupe enseignant de la VPOD/SSP a par exemple dû quitter la section de Bienne pour rejoindre la section de Berne (VOIR : le groupe enseignant.es VPOD/SSP).
Dans tous les syndicats biennois, à l’exception peut-être du GBH/FOBB (Fédération ouvrière du bois et du batiment), nos propositions de mobilisation et de démocratisation se sont heurtées à une grande résistance de la part de la bureaucratie syndicale (voir ci-dessous les témoignages sur l’horlogerie et la FTMH).
Décision politique de la LMR : la prolétarisation
Vu la faiblesse de la Ligue dans le milieu ouvrier, vu notre influence syndicale restreinte dans les grands syndicats ouvriers, la décision nationale de « prolétarisation » était donc compréhensible.
En 1980, suite à la décision nationale de la LMR, la section de Bienne s’engage dans un processus de prolétarisation sur plusieurs années : Métallurgie-horlogerie (Jean-Michel D., Marie-Co P., André H, Flavio M.) ; l’imprimerie (Carmelo C., Michel P.) ; la santé (.Fritz F., Maurice C., Suzanne M., Peter S., Antoinette D.). Pour plusieurs, ce fut leur ancrage professionnel avec satisfaction et souvent promotion, mais pour d’autres une étape douloureuse ou une expérience enrichissante.
Les témoignages de Carmelo C., André H., Flavio M. et Roland S. (voir videos et texte à télécharger prolétarisation AH) montrent comment les camarades de la LMR ont été amenés à quitter leurs études, à changer de cap, pour entrer dans les entreprises, dans l’espoir d’y influencer la classe ouvrière et de dénoncer l’exploitation capitaliste.
Quels moments forts avons-nous partagés avec les travailleuses et travailleurs, avec le monde salarié ?
Dès sa création à Bienne, la LMR a fait le choix de s’orienter vers les ouvriers et ouvrières et de défendre leurs droits. En premier, avec la visite des baraquements de saisonniers (près du lac, entreprise Bührer). Quel choc de découvrir sous des hangars des « chambres » avec 6-8 lits superposés, des vêtements suspendus à des cordes, des cuisines improvisées autour d’un risotto, d’une marmite de spaghetti ou d’une paella. Bien accueilli.es, les camarades de la LMR restaient pourtant des étranger.es à ce monde de l’immigration saisonnière masculine. Même le dimanche lorsque ces mêmes hommes déambulaient dans les rues de la ville en chemises blanches, ils restaient des étrangers, privés de leur famille et d’ancrage social.
La campagne de votation pour l’abolition du statut de saisonnier – « Etre solidaire/Mittenand » – nous a rapprochés des travailleurs immigrés et surtout des militants syndicalistes de la FOBB ou des membres des associations CLI et ATEES (migrants italiens et espagnols). Le 5 avril 1981, seuls 18% des Suisses ont soutenu l’abolition d’un statut précaire et inhumain. Quelques années auparavant, les migrant.es avaient été stigmatisé.es par les initiatives racistes Schwarzenbach contre ladite « surpopulation étrangère ». Alvaro Bizzarri, travailleur immigré italien et cinéaste de Bienne, a immortalisé ces sujets dans ses films sur la migration, en particulier sur les saisonniers venus du Sud de l’Europe.
Voir en particulier le film Lo Stagionale (1971) (Note 1)
lien vers Boutique TSR : Lo Stagionale (1971)
1972-73. Campagne contre l’introduction du IIe pilier.
La loi AVS est entrée en vigueur en 1948. Les rentes versées à cette époque étaient comprises entre 40 et 125 francs par mois. Dans les années 60, les rentes AVS s’avérèrent insuffisantes, aussi des prestations complémentaires en cas d’indigence vinrent s’ajouter à l’AVS à partir de 1965. En 1969, la rente AVS maximale se monte à 200.- !!!
En 1970, le POP/PdT dépose une initiative fédérale « Pour une véritable retraite populaire ». Le POP/PdT propose d’augmenter les rentes AVS.
Le Conseil fédéral, les Chambres fédérales et la majorité des partis de droite, le PS et les syndicats s’opposent à l’initiative et avancent le contre-projet des 3 piliers :
La revendication d’une « véritable retraite populaire » trouva un si large écho que le Parlement adopta, en juin 1972, juste avant la votation de l’initiative, une 8e révision qui fit plus que doubler le montant des rentes en trois ans. Et ainsi, le 3 décembre 1972, le peuple rejette l’initiative pour une véritable retraite populaire (15%) et accepte le système des 3 piliers (74%).
Presque seule contre tous les partis de gauche, la LMR organise un meeting à la maison du Peuple « contre le vol du IIe Pilier. »
Brochure à télécharger : « Pour une riposte ouvrière contre le 2e pilier et l’offensive patronale », LMR octobre 1972
brochure à télécharger : 1972 pour une riposte ouvrière contre le 2e pilier et l offensive patronale brochure
1973 – Solidarité avec la lutte des Lips
Lip est une manufacture horlogère de Besançon (France) dont Ebauches SA est actionnaire majoritaire. Lip emploie 1 200 personnes, en majorité des femmes.
Le 12 juin 1973, lors d’une réunion extraordinaire du comité d’entreprise du Comité d’entreprise, au cours de laquelle la direction menace les ouvriers d’un dépôt de bilan, des ouvriers arrachent la serviette de l’un des administrateurs et apprennent ainsi que la direction prévoit 480 licenciements et qu’elle compte se défaire de l’industrie mécanique pour ne conserver que l’horlogerie. L’administrateur et d’autres membres du conseil d’administration sont séquestrés, le temps d’une nuit, afin d’en savoir plus.
L’usine est occupée sur-le-champ. Dans la nuit, le stock de 25 000 montres est mis à l’abri dans des caches à la campagne.
Le 18 juin, une assemblée générale décide la remise en route de la production, sous contrôle des travailleurs, pour assurer « un salaire de survie ». La lutte des ouvriers de Lip est alors popularisée avec le slogan : C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie. Il est également décidé de mettre en vente toutes les montres à prix réduit au même rabais de 42 % que ce qui était accordé au réseau des horlogers-bijoutiers.
L’« Affaire Lip » a mobilisé des dizaines de milliers de personnes à travers la France et l’Europe entière, notamment lors de la grande marche Lip du 29 septembre 1973 qui réunit dans une ville morte plus de 100 000 manifestant.es.
Cette grève marque le renouveau du mouvement ouvrier en France. Un large élan de solidarité soutient les grévistes et leurs familles très mobilisées. Pour nous de l’Arc horloger jurassien, la solidarité contre ces licenciements s’impose. Nous rendons de nombreuses visites à Lip, rencontrons Charles Piaget (note 2) et Jean Ragenes, organisons un meeting de solidarité au Cercle romand (aujourd’hui Restaurant Satriale’s), co-organisons la manifestation de rue en solidarité avec les Lips à la Chaux-de-Fonds fin août 1973, faisons venir Charles Piaget à Granges, un des centres de production d’Ebauches SA, participons à la « Marche sur Besançon » du 29 septembre 73.
affiches de solidarité la pieuvre (Collection d’affiches Marie-Thé)
1974 – Grève chez Burger & Jacobi, fabrique de pianos à Bienne
Face au refus de la direction de payer le 13e salaire, 41 des 59 ouvriers décident la grève et se réunissent deux fois par jour devant les portes de l’usine des Pianos, pour empêcher les jaunes ( = briseurs de grève) d’entrer. Ils organisent des manifestations de rue et se réunissent en assemblées au restaurant Stadtgarten. La grève durera du 10 juin au 12 juillet, elle est détaillée avec précision par le service de la Police fédérale (Polizeikommando des Kts Bern, Nachrichtendienst, 19. Juli 1974) dans les fiches de M-Thé Sautebin sur 11 pleines pages A4.
Un comité de soutien unitaire se forme avec les partis de gauche de Bienne contre les licenciements visant les grévistes. Le cartel syndical biennois et en particulier le syndicat FOBB soutiennent le mouvement et dénoncent le licenciement des 41 grévistes. Enzo Canonica, président de l’Union syndicale suisse, menace d’un appel à boycott de l’entreprise de pianos au niveau international. Le 6 juillet, 800-1000 manifestant.es défilent en solidarité de la Place de la gare à la Vieille Ville et remplissent la place du Ring. Une délégation des grévistes de Lip apporte son message de solidarité.
Après des négociations secrètes entre le syndicat et la direction soutenue par les Associations patronales, tenues à Zurich, un accord est arraché aux grévistes qui se divisent. La reprise du travail est imposée après les vacances, avec des heures supplémentaires pour compenser les retards, et quelques licenciements des ouvriers combattifs. Dans l’entreprise, la solidarité entre les ouvriers est cassée, la direction organise un contrôle strict et la délation. La fermeture sera confirmée et les ouvriers confrontés au chômage.
Le film « La grève n’est pas une école du dimanche » (1975/ Filmcoopérative) montre combien cette lutte fut exemplaire et a démontré la possibilité de casser la sacro-sainte Paix du travail. Le film témoigne de la complicité-solidarité entre travailleurs suisses et étrangers d’une part, et entre les luttes ouvrières et les questions migratoires. Gerolino Manzi, 76 ans, ouvrier italien et engagé aux Colonies libres italiennes témoigne 50 ans plus tard : « … j’avais été licencié, le renouvellement de mon permis C m’a été refusé par la Ville de Bienne et j’ai eu beaucoup de mal à retrouver du travail, un ex-gréviste était malvenu. Grâce à des relations amicales, j’ai enfin été engagé à la RMB où je suis resté 34 ans jusqu’à ma retraite ».
En été 2024, le NMB a organisé une exposition pour célébrer les cinquante ans de la grève, moment historique de rupture avec la « paix du travail » (note 3).
brochure à télécharger : 1974 burger + jacobi la grève c’est l’arme de tous les travailleurs
1975 – Fermeture de la Général Motors
La GM avec ses fameuses chaînes de montage était la fierté de Bienne. Les Biennois.es aimaient voir tourner les voitures sur les chaines à travers les grandes vitres et voir sortir de l’usine les belles voitures GM.
La société GM Suisse, filiale de General Motors Corporation (Detroit), fut fondée à Bienne le 2 mai 1935. Comme la direction de GM pour l’Europe, domiciliée à Genève, cherchait un site pour installer un atelier de montage en Suisse, le maire de Bienne, Guido Müller (PS), offrit une fabrique clés en main et une exonération fiscale pour cinq ans. Le corps électoral biennois accepta le projet de crédit correspondant par 5088 voix contre 151 le 19 mai 1935, créant ainsi 300 emplois. La première voiture, une Buick huit cylindres, sortit d’usine le 5 février 1936 déjà. La production annuelle s’établit, jusqu’en 1939, à quelque 2000 unités des marques Buick, Chevrolet, Oldsmobile, La Salle (Cadillac), Vauxhall et Opel.
En 1972, l’entrée en vigueur du traité d’association avec la Communauté économique européenne (auj. UE) priva le montage en Suisse de son intérêt économique pour GM. Après avoir monté au total 329 864 véhicules, l’usine ferma ses portes en 1975, entraînant la perte de 450 emplois.
En 1975, la fermeture est annoncée, mais personne n’y croit. 50 ans plus tard, la veuve de Gigi De Rubertis, leader ouvrier, témoigne :
« Gigi a toujours cherché à défendre les ouvriers auprès du patron Commetta … lequel a bien tenté de le licencier. En vain, car Gigi était très apprécié de ses collègues. Il travaillait à la chaîne, au poste de peinture.
Lorsqu’il a appris que la GM allait fermer, il a tenté d’alerter ses compagnons de travail, mais personne n’a voulu le croire. Gigi a cherché à discuter avec le patron, comme il le faisait à chaque conflit, mais inutile, la décision venait de loin. A l’annonce de la fermeture, une assemblée s’est tenue à la Maison du Peuple, réunissant les ouvriers majoritairement italiens et espagnols, mais aussi leurs familles car c’était un drame familial qui se jouait. L’incompréhension règnait. Un comité de soutien s’est créé pour accompagner le « deuil » des familles expulsées car sans permis de travail, plus de permis de résidence, donc renvoi hors frontières. Gigi a eu du mal à retrouver du travail, rejeté car communiste » (Kathrin De Rubertis)
Aujourd’hui les halles qui abritaient les chaînes de montage des voitures GM sont devenues le centre commercial Coop Bahnhof.
1970-87 – Démantèlement de la « METROPOLE HORLOGERE »
Au niveau économique, Bienne était la « métropole horlogère », comme St-Imier. Elle est alors une des premières régions industrialisées de Suisse au début du XXe siècle. Les ouvriers et ouvrières des centaines d’entreprises de l’Arc horloger constituent l’« aristrocratie ouvrière ». Leur fierté se mesure à un travail propre, souvent qualifié, voire très qualifié, aux marques prestigieuses qui font l’image de la Suisse (Omega, Rolex, Longines). Mais dans les années 70, la crise horlogère agite tous les cercles économiques et politiques comme en témoigne Paul S. ci-dessus. Des milliers de travailleurs et travailleuses perdent leurs emplois.
« LES EFFECTIFS DE L’ARC HORLOGER SONTS PASSES DE 90.000 à 30.000»
La débâcle est chiffrée par le Journal des Associations patronales (N°31/32 de juillet 1992). En l’espace de 2 décennies (1970-1987), deux tiers des postes de travail sont supprimés. Mais « La paix du travail garde la cote » selon la même source. Des dizaines d’entreprises ferment, le chômage bouleverse la croyance dans le plein emploi qui règne jusqu’alors en Suisse. A Bienne, le chômage aurait atteint 10% si les étrangers renvoyés hors frontières avaient été comptabilisés. La baisse du niveau de vie appauvrit la région, des programmes de recyclage sont à concevoir. Les centaines de PME travaillant pour les grandes fabriques perdaient leurs commandes. Des familles entières ont dû quitter Bienne au début de la crise car leur permis de résidence tombait avec le permis de travail et que l’assurance-chômage n’existait pas encore. Tout le tissu social était perturbé : les écoliers vivaient l’angoisse de leurs familles, les chômeurs et chômeuses étaient assigné.es à « timbrer » au chômage, méprisé.es la plupart du temps, percevant ou non leurs indemnités. Mais « Cette baisse ne reflète pas un quelconque fléchissement de l’activité économique, car l’année 1991 a été marquée par un record (7,4 milliards), mais elle est le résultat d’une productivité accrue » se félicitent les patrons (Journal des Associations patronales, 1992).
Alvaro Bizzarri, cinéaste biennois connu pour ses films sur la condition des immigrés, saisit la gravité de la situation et arpenta les villages jurassiens avec sa caméra, piloté par Paul Sautebin qui connaissait très bien le monde horloger pour en être partie prenante – horloger et syndicaliste – et par sa femme Katia Bizzarri, ouvrière de Omega. Le film « L’homme et le temps » fut présenté aux Journées de Soleure en 1986. Alvaro y documentait le démantèlement de l’horlogerie, la naissance et la vie du comité de chômeurs, les effets de la crise sur l’école et le tissu social dans son ensemble (interviews de Wildy Pasche, Paul Sautebin et Katia Bizzarri, du Comité de chômeurs, de l’enseignant Nicolas Siegenthaler).
En septembre 1982, une grande « Manifestation régionale et unitaire pour l’emploi » réunit 10’000 personnes à Bienne.
Pour parer aux dégradations des conditions de vie, aux 300.000 pertes d’emplois à l’échelle nationale (1/10 de la population active) et aux milliers de départs de familles émigrées, la LMR mène campagne «pour la défense de l’emploi », avec les initiatives nationales « Pour les 40 heures », et même pour la nationalisation des entreprises en déclin. Le PSO osa mener campagne en 1982 pour la nationalisation de Bulova afin de sauver les emplois. Une intervention mémorable de Sylviane Zulauf au Conseil de ville fit bondir les Conseillers de ville bourgeois qui sortirent de la salle. (voir interview de Sylviane)
La crise horlogère a agi rapidement et en profondeur dans le tissu industriel de l’Arc horloger comme une tempête dévastatrice. Paul Sautebin, horloger qualifié a travaillé à Omega, dans diverses petites entreprises et finalement à Bulova . Il a subi 3 fermetures d’entreprises, donc 3 licenciements successifs, en moins de 10 ans et comme beaucoup d’autres il a dû changer d’orientation professionnelle. Militant syndicaliste et de la LMR, il témoigne 50 ans plus tard.
« Nous étions confrontés à une bureaucratie syndicale tellement forte à Bienne qu’on n’a pas pu animer d’opposition syndicale au patronat. La direction de la FTMH a maîtrisé les relations aux travailleurs malgré l’intérêt de nombreux collègues dont les militants du MPF (Mouvement populaire des familles). Elle a réussi à nous isoler, nous refuser l’entrée dans les assemblées de délégués, nous interdire de parole sauf quand j’ai forcé la porte. Par contre, en 1976, le mouvement de révolte de Bulova Neuchâtel a reçu l’appui de la FTMH locale, c’était la première grande boîte qui a amorcé le démantèlement de la branche horlogère. Rappelons que Bulova était une manufacture horlogère à la pointe, faisant des prototypes dont l’Acutron – la première montre électronique au monde – avec des ingénieurs à Bienne, génies de l’horlogerie. Quand la fermeture de Bulova Bienne a été annoncée (en 1981), un service d’ordre de l’entreprise a même contrôlé toutes les portes de l’entreprise à toutes les pauses pour éviter que j’appelle à la grève vu que les ouvriers et les ouvrières discutaient avec moi. Il fallait d’abord poser les revendications. J’ai pu convoquer une réunion au Cercle de l’Union voisin de l’usine où 200 personnes s’étaient pressées, j’étais applaudi lorsque les responsables syndicaux locaux sont arrivés et ont tout bloqué par peur de débordement. Ils ont manipulé l’assemblée, m’ont traité de kamikaze, ont fait des promesses, puis n’ont jamais rien fait. Bulova Bienne a fermé sans aucun plan social alors qu’en 76 à Neuchâtel, la FTMH en avait obtenu un.
Un tel mépris des travailleurs de la part du syndicat explique pourquoi tant de personnes hautement qualifiées ont été humiliées. Ils se retrouvaient concierges dans une banque à Lausanne ou au Gymnase de Bienne, un des ingénieurs a ouvert une agence matrimoniale. C’était une dépression économique, mais surtout une grave dépression humaine dont souffraient chacun et chacune et nos familles.
Notre victoire par rapport au syndicat a été la création du Comité de chômeurs dont j’ai pris l’initiative. Je m’étais inspiré des comités de chômeurs des années 30 en Italie après la lecture d’un article de Inprecor (revue politique internationale de la IVe Internationale). Ces comités italiens adressaient leurs revendications aux autorités locales. Sans balbutier, nous avions une orientation claire, nous avons défini nos revendications et été suivis : viser des indemnités de chômage, organiser les files de chômeurs pour ne plus attendre des heures. J’ai été invité pour expliquer comment nous fonctionnions, de Genève à Schaffhouse. Dans les comités de chômeurs, les ouvrières étaient les piliers, on se connaissait depuis Bulova. Les assemblées étaient très actives, avec 50-80 personnes, jusqu’à ce qu’en 1986, la répression nous fasse taire en envoyant les leaders arroser les champs pour combattre la sécheresse dans le cadre du Service civil. »
Comités chômeurs
Les chômeurs et chômeuses de Bienne s’organisent en Comités de chômeurs pour défendre leurs conditions de vie, une première fois en 1976 (il n’existe pas encore d’indemnités de chômage à l’époque) et une seconde fois dès 1982 (avec la grande crise horlogère). En parallèle, un Comité contre le chômage des jeunes (1976).
Ces comités de chômage sont les premiers à exister en Suisse. Ils visent la défense des droits des chômeurs contre les humiliations lors des queues de timbrage (1982), pour la mise en place de cours pour chômeurs afin de faciliter leur recyclage et réinsertion professionnelle (en particulier langues et informatique), activité qui permet en même temps de donner du travail aux enseignant.es eux-mêmes au chômage.
Manifeste 77
Travail d’opposition au sein de la FTMH contre la direction syndicale, avec des membres du MPF, du PS, avec une forte présence de travailleuses et de travailleurs d’origine étrangère.
Revendications de la LMR
Au cœur de la crise, la LMR faisait des propositions, revendiquait la défense de l’emploi et des salaires :
brochure à télécharger : 1977 crise horlogere quelle réponse ouvriere – brochure
La diversification de la production
Les travailleur.ses de la région (Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds, Jura, Bienne, Granges) ont particulièrement souffert lors de la crise horlogère de 74-76. En effet, la région était une mono-culture horlogère. La LMR a proposé de diversifier la production. Les travaileur.euses étaient qualifié.es, l’appareil de production (les machines) performant et le niveau des ingénieurs élevé. Le médecin-chirurgien Jean-Michel Krivine travaillant alors dans les hôpitaux de campagne au Vietnam nous faisait part d’un manque important de matériel médical (lampes de tables d’opération, scalpel, …). La reconversion aurait été possible facilement et aurait apporté une aide extraordinaire à la population vietnamienne. Jean-Michel Krivine était membre de la LCR (F) et donc de la IVe Internationale. C’est un exemple « pratique » des liens internationaux de la LMR avec la « IV ».
Paul S. constate que l’entreprise Straumann (Villeret) a utilisé les compétences des travailleur.ses de la région, avec le grand succès capitaliste qu’on lui connait.
Déjà en 1976, Charles Piaget, leader de la grève de Lip déclarait : « La seule alternative viable à la situation de l’horlogerie comme à la crise qui secoue le monde occidental, c’est le socialisme qui rend les outils de travail aux producteurs, une voie socialiste qui leur permet d’être maîtres de leur destin » (cité dans La Brèche, feuille locale, LMR N°1, 1976).
En 1981, le PSO (nouveau nom de la LMR) lance l’initiative fédérale pour la « Création d’ateliers publics de formation professionnelle ». Votée en 1986, elle est appuyée par 18% de la population.
1984 – Ebauches Marin, lutte contre le travail de nuit des femmes.
Dans les usines horlogères, les femmes occupent la moitié des postes selon la Convention horlogère. Les conditions de travail y sont particulièrement rudes pour les mères de famille issues de l’immigration qui amènent leurs enfants à la crèche (crèche Omega ou crèches municipales) avant 7h00 car les horaires ne sont pas encore libres. Les Suissesses restent pour la plupart femmes au foyer pendant une quinzaine d’années. Pour ces dernières, la reprise de l’emploi s’avère difficile.
La LMR encourage une ouvrière de Ebauches à Granges à porter plainte avec l’appui du syndicat FTMH pour inégalité salariale et gagne le procès (Marinette Di Julio, 1974).
Les deux sections LMR de Neuchâtel et Bienne) soutiennent les ouvrières contre l’imposition du travail de nuit. C’est une nouvelle étape dans la lutte du mouvement ouvrier, en partie contre les directions syndicales. C’est aussi l’émergence de la présence militante des femmes et de la conjonction avec le mouvement autonome des femmes. La LMR y a joué un grand rôle (voir détails dans le chapitre LMR et féminisme).
Entre 1978 et 1990, à plusieurs reprises, la crise économique secoue toute la ville et l’Arc jurassien avec le démantèlement de l’industrie horlogère, le chômage frôle les 10%. C’est la période des manifestations nationales pour l’emploi, de la grève de Bulova à Neuchâtel, de la fermeture de Bulova à Bienne. Pour reprendre la main, Ebauches SA préconise l’introduction du travail de nuit pour les femmes à Marin, ce qui catalyse le mouvement et conduit à une campagne à connotation spécifiquement féministe dans la région Bienne-Neuchâtel (83-85). L’argumentation patronale de Ebauches SA expose des relents patriarcaux. Elle s’appuie sur de prétendues « compétences naturelles des femmes », avec l’exemple du tricot. Parce qu’elles savent lire un modèle de tricot, les patrons les estiment capables de repérer des erreurs sur les circuits électroniques des mouvements de montre, d’où leur demande de lever l’interdiction du travail de nuit pour les femmes. La campagne est rude avec des divergences au sein du mouvement des femmes et de la gauche. Au nom de l’égalité, l’OFRA et les POCH plaident pour lever l’interdiction du travail de nuit des femmes alors que les MLF et la LMR s’y opposent. Les militantes de la LMR rédigent « Le manifeste contre le travail de nuit des femmes. Perversion de l’égalité ». Mariane Ebel et Marie-Thé Sautebin le présentent à la presse nationale avec grand succès. Elles mènent le débat avec Ruth Dreyfuss qui au nom de l’USS (Union syndicale suisse) adhère à ce changement du droit en renonçant à la convention no 89 de l’OIT (organisation internationale du travail). « Robots jour et nuit, non merci », la Brèche, les tracts et les conférences nourrissent le débat contre le travail de nuit, sur les plans médicaux et sociaux.
Deux brochures à télécharger : 1986 travail de nuit – ne pas ceder – brochure et Robots Jour Et Nuit
Solidarité avec les mineurs du NUM (GB) – grève de mars 84 à mars 85
Un meeting de solidarité au restaurant La Fontaine, avec présence de Otto Arnold, Conseiller municipal PS. Les grands mouvements européens de lutte ouvrière font l’objet d’une attention des révolutionnaires car s’y déroulent les enjeux anti-capitalistes, et dans le cas de la Grande-Bretagne, le rouleau compresseur de Margaret Thatcher démantelant les droits sociaux. La fermeture des mines est imposée et la grève se solde par une défaite terrible du NUM et de l’ensemble du mouvement syndical britannique. Mme Thatcher avait gagné dans les urnes contre le « socialisme démocratique » en 1979, elle gagnait maintenant contre le « socialisme non démocratique », le syndicalisme !
Le soir du meeting, les 3 militant.es gallois.es du NUM sont hébergé.es à Bienne. C’est l’automne. Le lendemain, ils repartent habillé.es avec nos plus chauds habits et souliers disponibles. Ils n’avaient rien pour se protéger du froid, pas d’argent ! Quelques années plus tard, Roland en visite à Leeds : « Nous observons les dégâts du chômage, destruction de la communauté sociale des mineurs, villages désintégrés, destruction des acquis du NUM, entre autre le service de santé »
Comment vivions-nous les liens avec les travailleuses et travailleurs sur le terrain ?
En général, des informations nous parvenaient de nos « contacts ouvriers » : sur leur terrain de travail, les travailleuses et travailleurs repéraient les indices d’injustices ou les modifications dans la gestion du travail, et nous racontaient leurs inquiétudes. Parfois les délégués syndicaux des entreprises bénéficiaient d’informations pour les négociations et nous en communiquaient les contenus. Nous allions aussi les rencontrer à la maison chez eux, à la cantine de General Motors, et partagions des moments joyeux empreints de leurs richesses culinaires et de leur chaleur humaine.
La lecture des journaux et l’écoute des médias nous permettaient de saisir les tendances économiques, de détecter les menaces de licenciements, les modifications dans le tissu économique. Ce fut particulièrement le cas lors des bouleversements dans les rapports de production dans l’horlogerie avec l’arrivée de l’électronique et des produits asiatiques meilleur marché.
Après discussion entre nous, avec les contacts ouvriers au niveau biennois, mais parfois aussi en discussion au Comité central de la LMR, nous formulions des explications sur les plans économiques et politiques, nous avancions des propositions, voire des revendications précises.
Nous rédigions des communiqués de presse envoyés à toutes les rédactions de la région, écrivions des tracts « La Brèche usine », puis les imprimions sur notre petite imprimante à encre, en cas d’urgence tard le soir voire la nuit dans notre local. Et à 6h du matin, ou à 11h30, à l’arrivée ou la sortie des flots de travailleuses et travailleurs (horaire bloc), nous étions aux portes des usines à distribuer l’information.
Les militant.es de la LMR de Bienne assuraient des interventions propagandistes régulières, quasi hebdomadaires par tract et vente du journal La Brèche/Rosso/Rojo (journaux de la LMR/PSO) devant les usines horlogères, celles de la métallurgie (Hauser, RMB), de la General Motors, ou au marché le samedi matin à Bienne, Moutier, St.-Imier. Les articles traitaient de la défense des conditions de travail des salarié.e.s (pour l’échelle mobile des salaires, la diminution du temps de travail, contre les cadences infernales, notamment). Dans les autres villes de Suisse, un travail similaire était mené, combinant les thèmes nationaux et les spécificités locales.
Dans les cas de révolte, nous participions ou invitions à des réunions, organisions des conférences, voire des manifestations. Nous collions aussi des affiches de protestation ou d’appel à manifester, et parfois nous avons peint des slogans sur les murs, tel que « Solidarité avec la grève de Lip », à la sortie vers Neuchâtel. Nos activités servaient souvent d’alerte auprès des médias.
Organiser une réponse unitaire
De 1974 à 80 environ, de nombreuses activités ont été conduites de manière unitaire avec les partis et associations de Bienne : Parti socialiste (PS et PSR), Lutte prolétaire, MPF (Mouvement populaire des familles), CLI (Colonies libres italiennes) et ATEES (Association des travailleurs espagnols), mais aussi avec les mouvements de femmes. Les situations politiques effervescentes des années 70 en Italie (forte présence des communistes) et en Espagne (sortie du franquisme) créent de nombreuses synergies. Il fallait trouver le consensus sur les mots d’ordre entre ces composantes du mouvement ouvrier afin de donner plus de poids aux revendications, négocier avec les syndicats ou parfois s’opposer à leur lâcheté. Petites ou grandes, les manifestations ouvrières ont marqué notre solidarité avec Lip, avec les grévistes de Burger et Jacobi, avec les milliers de licenciés de l’horlogerie en 82.
En outre, les questions liées à la place des femmes au travail (inégalités de salaires, travail de nuit, santé, crèches) ainsi que les questions de politique migratoire ont permis des convergences et débats fort intéressants. Quelques décennies plus tard, les mouvements revendicatifs parlent d’intersectionnalité entre luttes de classes, luttes sur les droits des femmes et des personnes racisées.
La défense de la dignité humaine sous toutes ses formes a fondé les engagements individuels et collectifs des membres de la LMR/du PSO. Certes, les résultats sont éloignés des espoirs qui nous guidaient, mais nous avons beaucoup appris de nous-mêmes, des autres, des confrontations sociales et des débats politiques.
Co-rédaction André Hofer et Marie-Thé Sautebin
En collaboration avec Jean-Michel, Fritz et Roland
(note 1) Boutique TSR : https://swissdvdshop.ch/fr/liste-complete/1416-liste-complete-accueillis-a-bras-fermes-alvaro-bizzarri.html
(note 2) Jean Piaget (1928 – 2023) ouvrier horloger, technicien, puis contremaître chez Lip (usine d’horlogerie) ; syndicaliste CFTC puis CFDT, militant PSU (1960-environ 1980), membre fondateur d’AC (Agir ensemble contre le chômage) en 1993 à Besançon ; dirigeant de la grève, de l’occupation et responsable du stockage des montres en 1973.
(note 3) La paix du travail désigne une situation où les conflits collectifs entre employeurs et salariés sont résolus par la négociation, en renonçant à des mesures de lutte comme la grève et le lock-out. Cette notion, peu utilisée à l’étranger, est devenue en Suisse, dans la seconde moitié du XXe s., un élément de l’identité nationale. L’accord de paix du travail, signé le 19 juillet 1937 par l’Association patronale de la métallurgie (ASM) et la Fédération des ouvriers de la métallurgie et de l’horlogerie (FOMH), n’était qu’une convention collective conforme au droit des obligations; il prévoyait une paix du travail absolue, étayée par un processus complexe d’arbitrage.
Bien que reconnu par la Constitution suisse, le droit de grève est limité. En Suisse, la grève est licite à trois conditions. Premièrement, elle doit porter sur des questions liées aux conditions de travail des salarié.es concerné.es. Cela exclut notamment les grèves de solidarité, par exemple avec un mouvement ou des revendications qui n’ont aucun rapport avec l’entreprise. Deuxièmement, la grève doit être exercée collectivement, avec le soutien d’une organisation syndicale reconnue. Enfin, elle doit être une mesure de lutte prise en dernier lieu, après que tous les autres moyens à disposition aient été épuisés (négociations).
« Le président central de la FOMH, Konrad Ilg, propose à son homologue de l’Association patronale suisse des machines (ASM), Ernst Dübi, , ce qu’on pourrait appelé un nouveau système de relations mutuelles entre travailleurs et patrons, résumé dans la formule « paix du travail ». En substance, les deux parties s’engagent à ne plus recourir à aucune méthode de combat, comme la grève ou le lock out (licenciement en collectif comme arme de guerre patronale). Toutes les questions doivent désormais être règlées à travers la négociations. Et pour faire bonne mesure, chaque partie dépose une caution de 250 000 francs (1937) envue de payer une amende si l’un ou l’autre signtaire venait àvioler cet arrangement. Négociée quasiment en secret par Ilg et Dübi, cette convention, dite de la paix du travail, est signée le 19 juillet 1937. Elle concerne 50 000 travailleurs dans 156 entreprises. (extrait de Pietro Boschetti : L’affaire du siècle, le 2e pilier et les assureurs, éd. Alphil Neuchâtel 2024, page 104)